Je rêvais. Ça m’arrivait, parfois, de temps en temps. Je pensai souvent au passé, à la jeune adolescente que j’étais. Rebelle, mais mûre pour son âge. De la gamine qui faisait le mur en descendant par la corniche qui bordait la fenêtre de sa chambre. Celle qui allait border son petit frère le soir et qui lui racontait les histoires rocambolesques qui lui passaient par la tête. De celle qui, une fois ado arborait des vêtements digne d’une péripatéticienne pour faire rager ses parents. J’eus un petit sourire. Assise dans un coin de la cour, mon carnet posé sur les genoux, je riais et pleurais, seule, en pensant au passé. Je ne le faisais que lorsque j’étais certaine qu’on ne me surprendrait pas. J’avais besoin de me raccrocher à mon passé.
Oh, toi, femme aux cheveux de jai et au teint d’ivoire
Toi seule aurait pu m’aider, car tu aurais pu savoir
A quel point il était dur pour moi de tout voir.
Avant la mort de maman, j’étais aveugle et impulsive. Une adolescente normale, proche de son frère sourd qu’elle aimait par-dessus tout, sortant avec un homme plus âgé qu’elle, qu’elle aimait tout autant. J’ai soupiré.
Dieu que j’aimerais encore entendre ta douce voix,
Celle qui me berçait, qui me soulageait de ma croix,
Au bord du lagon où nous nous rendions autrefois.
Quand nous étions petits, maman nous emmenait souvent au bord de l’eau. Et alors que nous jouions, elle nous chantait des chansons d’amour qu’elle écrivait. Elle était si belle et sa voix était si douce, si pure. Angus était vraiment petit, je ne sais même pas s’il s’en rappelle. Peut-être que je lui en parlerai, un jour. Mais je n’ai pas envie que tout cela lui fasse mal comme à moi.
Je me souviendrai toujours de cette journée grise,
De ce récital que vous donniez, toi et ta chorale à l’Eglise,
Tu étais tellement belle que je me suis levée te faire la bise.
Le tout en plein milieu du concert, bien sûr. Je ris, à travers mes larmes. Poser mes mots me fait du bien, ça m’apaise. J’essuie mes joues du revers de la main. Un bruit. Je me précipite pour partir, avant de me rendre compte que mon cahier est tombé, ouvert sur le sol. Et la personne est bien sûr déjà là… Pour moi, mes larmes et ma fierté, échec critique…